mercredi 23 juillet 2014
L’éthnie Dialonké
Population :
S’il est déjà difficile de déterminer la population des ethnies minoritaires, la population de l’ethnie dialonké est encore plus difficile à estimer. Un exode rural précoce et important empêche en effet toute approximation.
Localisation géographique :
Ce peuple est originaire de l’Empire Mandingue. A l’éclatement de celui-ci, une partie de l’ethnie se dirige en direction du Sierra Leone, une autre vers la Guinée, dans la zone du Fouta Djallon. Les Dialonké semblent très proches des Soussou de Guinée, tant par la langue que par les traditions et l’on suppose que ces deux groupes sont issus d’une même ethnie, les Soussou s’étant installés dans la zone de Bani et les Dialonké dans le Djallon (haute guinée) d’où leur nom. L’ethnie dialonké ne représente au Sénégal qu’un petit groupe isolé. Elle est localisée dans le cercle de Kédougou, plus précisément dans la zone de Fongolimbi à la frontière guinéenne. Cet arrondissement compte quinze mille habitants sur 2311 km2 et se compose de trois communautés rurales.
Langue parlée :
Leur langue appartient au groupe mandé fou apparenté au soussou et au mendé.
Historique :
Après l’éclatement de l’Empire Mandingue, les Dialonké, aux côtés des Bédik et des Coniagui, se dispersent. La fuite des ethnies devant l’invasion peule et la création de nouveaux foyers de peuplement ont très probablement contribué au mélange des ethnies qui conservent aujourd’hui encore de nombreux points communs. C’est au XIIe siècle qu’a lieu l’installation des principales familles dans le Fouta : les Camara, les Niakhasso et les Keita, toutes trois issues de la caste des rois de l’Empire Mandingue.
En 1694, a lieu une violente invasion peule visant à l’islamisation des populations : certains Dialonké sont convertis ou assimilés, d’autres tués, réduits à l’esclavage ou chassés. Mais l’ethnie fait preuve d’une forte résistance face à l’envahisseur, ce
qui conforte une bonne partie de l’ethnie dans les pratiques animistes.
L’on raconte que la mère du conquérant Alpha Yiayia était elle-même Dialonké, ce qui n’aurait pas empêché son fils de lancer dans les années 1880 des attaques contre les grands villages de l’ethnie. Mais le guerrier essuie plusieurs échecs car leur défense est féroce et bien organisée : la région du Fouta Djallon restera la zone d’habitation de l’ethnie. La population s’étend et, il semble que les premières migrations en direction du cercle de Kédougou datent des années 1885. L’arrondissement de Fongolimbi est depuis lors le siège de l’ethnie Dialonké au Sénégal. C’est là que vivent de nombreuses autorités dialonké, les chefs coutumiers et une bonne partie de l’ethnie.
Organisation sociale :
La société dialonké se divise en trois classes d’âge. La première, qui commence à la naissance, va jusqu’au quinzième anniversaire du jeune dialonké. La deuxième classe comprend les jeunes gens jusqu’à ce qu’ils atteignent entre trente cinq et quarante ans. Suit la troisième et dernière classe d’âge. Si la première est l’âge de l’enfance et de l’absence de responsabilité, la deuxième classe est considérée comme une pièce maîtresse de la société dialonké, représentant la force de travail, l’âge de la procréation, tout le dynamisme de la société. La dernière classe est bien sûr synonyme de sagesse, de savoir mais également de pouvoir. Elle doit transmettre aux jeunes hommes les secrets de la société afin qu’ils sachent à leur tour la régir avec intelligence et dans le respect de la tradition. Les anciens doivent être des modèles et sont censés faire montre d’un comportement irréprochable.
Chez les Dialonké, ont compte un nombre restreint de noms de famille : les Niakhasso, les Keita et les Camara, noms des anciens rois mandingues, les Danfara, esclaves de ces rois, les Cissokho, les Dianiokho, les Kundira, griots ou forgerons. Aujourd’hui, la distribution des tâches est plus fluctuante qu’autrefois : les chefs de village sont par exemple élus par la population et peuvent appartenir à n’importe quelle famille.
Autrefois, les prénoms étaient au nombre de sept pour les filles et sept pour les garçons puisque l’on donnait à l’enfant le nom du jour de sa naissance. Aujourd’hui, l’islamisation a ouvert le nombre des possibilités et les enfants portent très souvent le nom de prophètes de l’Islam.
Principales activités Les Dialonké, originellement chasseurs et cueilleurs sont aujourd’hui agriculteurs. Le village de Fongolimbi est connu pour l’abondance de sa production de mangues. Malheureusement, la route qui va de Fongolimbi jusqu’à la plaine est particulièrement mauvaise et il arrive fréquemment que les fruits pourrissent faute d’avoir pu être acheminés jusqu’aux marchés de la vallée.
Les Dialonké pratiquent un artisanat varié, ils réalisent non seulement de la poterie et de la vannerie mais encore du tissage.
Religion :
Les Dialonké sont majoritairement musulmans mais conservent des croyances animistes. Si l’islamisation peule a débuté très tôt sur les terres Dialonké, l’esprit de résistance face à l’envahisseur les a confortés dans leurs pratiques animistes. L’on suppose que c’est en partie l’accession du Sénégal à l’indépendance qui a favorisé la véritable islamisation des Dialonké. Ceux-ci souhaitaient alors s’intégrer d’avantage à la communauté nationale. Ainsi de nombreuses personnes se sont alliées aux convertis plus anciens.
Les pratiques musulmanes ne vont pas à l’encontre de certaines pratiques animistes. L’on pense par exemple aux interdits alimentaires qui se retrouvent dans les deux religions. Si l’Islam interdit la consommation de porc, l’animisme possède les « lignages totem » prohibant à chaque famille la consommation d’un animal précis. Aujourd’hui, les grandes fêtes de l’islam marquent le calendrier de la société Dialonké, mais subsistent encore quelques fêtes animistes très respectées, particulièrement dans l’arrondissement de Fongolimbi.
Les Dialonké continuent à sacrifier des coqs et à offrir de la farine de mil aux divinités. Ces dernières sont appelées « Djallon » et résident dans le lieu même du sacrifice. Des noms plus précis sont donnés pour désigner les esprits bons ou malveillants, les divinités blanches ou noires. Les officiants sont souvent les chefs de famille ou des sacrificateurs spécialisés. Ils sont savoureusement appelés en français : « les hommes d’affaire » et appartiennent à la famille des Camara et des Niakhasso.
Principaux rites et fêtes :
L’un des rites principaux de la société Dialonké est celui de l’initiation qui englobe la circoncision de l’aspirant et le séjour dans le bois sacré. L’initiation permet à l’enfant le passage dans la classe des adultes responsables. Cependant, la sociétéDialonké a fortement évolué et il ne reste de certaines pratiques que le souvenir des anciens eux-mêmes initiés selon la tradition. Autre fois, la circoncision avait lieu lorsque le jeune garçon avait atteint une taille suffisante et possédait certaines caractéristiques de force physique. Il devait par exemple être capable de porter un certain poids, de parcourir une certaine distance en courant. Cela signifiait qu’il était prêt à devenir un homme. La date du rituel était fixée après les récoltes et les futurs initiés étaient déjà pris en main par leurs aînés qui les éloignaient de leurs camarades plus jeunes. Une fois passée la circoncision, les jeunes garçons prenaient le chemin du bois sacré pour une durée de un à deux mois. Là bas, leurs aînés les confrontaient à la souffrance physique et à des labeurs pénibles afin de les préparer aux souffrances qu’ils auraient à affronter lors de la création de leur propre foyer. Les aînés devaient « ouvrir les enfants à la souffrance du monde ». Après cette période, les initiés rentraient au village et pouvaient accéder à la case des adultes. Le mariage ne tardait pas à suivre. Il en était de même pour les filles : après le rite de l’excision, les jeunes filles devenues femmes pouvaient être données en mariage. Aujourd’hui, cette tradition est de moins en moins suivie, l’excision est désormais interdite par l’Etat sénégalais et n’est, en théorie, plus pratiquée. Les garçons sont maintenant circoncis peu après leur naissance et l’exode rural dilue une tradition devenue archaïque pour beaucoup de Dialonké. Les enfants des Dialonké partis depuis longtemps à la ville ne sont presque plus envoyés au village pour y être initiés.
Ouverture de la société :
Il est intéressant de constater comment cette ethnie minoritaire allie tradition et modernité. L’exode rural des Dialonké se pratique depuis longtemps et l’on retrouve des membres de l’ethnie dans de nombreuses grandes villes du Sénégal telles que Tambacounda, Kaolack, Dakar mais également Ziguinchor et Kolda. Nombreux sont ceux qui retournent peu ou pas aux villages ancestraux. Les pratiques animistes tendent à s’effacer au profit des traditions de l’Islam déjà bien ancrées et ce jusque dans les cérémonies principales telles que le baptême, le mariage… Cependant, loin d’abandonner leur culture ethnique, certains Dialonké se sont très fortement mobilisés autour de l’Association pour le Développement culturel et artistique des Dialonké (ADCAD). Cette association a été créée par réaction au dernier festival : les Dialonké ont pris conscience du peu de documents qu’ils étaient capables de fournir sur leur ethnie : ils ont donc décidé de sortir de l’anonymat en mettant en place une structure capable de valoriser leur culture. Cette dernière adhère au réseau des associations culturelles que le gouvernement sénégalais encourage à s’investir dans la valorisation du patrimoine artistique des peuples. Elle compte cinq délégués pour chacune des trois localités de Fongolimbi, Médina Bafé et Dimboli, le président et le vice président étant des habitants de Kédougou. Cette association se veut apolitique et à base ethnique et regroupe l’ensemble de l’ethnie Dialonké. Son président entend donc être le représentant de l’ensemble de l’ethnie par laquelle il est d’ailleurs élu.
L’objet de l’association est la défense et la promotion de la culture Dialonké. Celle-ci part du constat de l’abandon des pratiques traditionnelles et du déclin de la langue Dialonké en particulier chez les nouvelles générations. Les fondateurs de l’association et ses membres ont donc été amenés à réfléchir sur les causes de ce phénomène afin de trouver des solutions pour endiguer ce phénomène. Les membres de l’association se réunissent une fois par mois pour discuter de l’état de la culture Dialonké, insister sur l’importance de la transmission du savoir des anciens aux jeunes générations car, comme le dit le vice président Fodé Keita, « il ne faut pas attendre que la bibliothèque brûle pour aller se documenter ». La radio dialonké contribue fortement à cette prise de conscience. En effet, tous les samedis soirs, de 20h à 22h sur la fréquence 98.6 FM, la radio Dunya (« Monde » en dialonké) permet à l’animateur dialonké de débattre avec ses auditeurs de l’avenir de la culture de leur ethnie. Les appels sont nombreux et les auditeurs appellent chaque semaine de tout le Sénégal.
L’association entend également privilégier la préservation de la langue dialonké. Pour ce faire, une demande a été déposée au ministère de la culture afin que cette dernière soit codifiée. Le ministère a assuré son soutien à cette démarche et l’association attend actuellement que des fonds soient débloqués.
L’association est également à l’origine de l’organisation des Journées culturelles de Fongolimbi qui se déroulent en 2006 du 28 au 30 Avril. Ces journées sont l’occasion pour tous les membres de l’ethnie de se retrouver et de faire découvrir tant aux autres ethnies qu’aux étrangers leurs danses, leurs chants,… Quelques personnes qui maîtrisent le français sont chargées d’expliquer la signification des danses, du costume, des masques, aux gens qui souhaiteraient s’informer. L’on sent donc chez les Dialonké une véritable volonté de promouvoir une culture dont ils souhaitent absolument conserver certains aspects.
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